La médecine générale ne va pas très bien actuellement, c’est un fait. Trop d’incompréhensions, aucune reconnaissance, de la culpabilisation à tire-larigot, des médecins burn-outés ou en passe de l’être. Borée en parle ici, Genou des Alpages en parle là. J’ai une immense admiration pour ces deux médecins à travers leurs écrits, et je ne peux qu’être pessimiste quant à l’avenir, quand je vois que « même eux » n’ont d’autres solutions que de baisser les bras. Il y a aussi les billets d’Armance ou de Somatinoroots. Il y a des quantités d’autres témoignages, partout à travers le net.
Bref, ça va mal, et nous autres jeunes médecins nous demandons à quelle sauce nous serons mangés.
C’est dans cette ambiance morose que je me suis installée. Bon, ce n’est pas une installation au sens strict du terme, mais c’est tout comme. Un médecin est parti à la retraite et je suis arrivée quelques jours plus tard. Tout se passe comme si je lui succédais, comme si j’étais réellement installée.
Par certains aspects, je suis satisfaite. Je travaille dans d’excellentes conditions, avec un planning tout à fait acceptable. Mes associés sont gentils et doux comme des crèmes caramel. J’ai deux SuperSecrétaires qui sont tout simplement parfaites. J’élabore des suivis réguliers avec certains patients qui commencent à porter leurs fruits. Mon travail est de meilleure qualité, et c’est gratifiant.
Par d’autres aspects, la morosité ambiante tend à me gagner, et il m’arrive de rêver d’une reconversion très très loin de la médecine. Ces aspects, je ne les découvre pas. Seulement, j’ai maintenant la tête plongée dans ce que je ne faisais qu’effleurer jusqu’à présent en temps que remplaçante.
En voici un petit florilège :
Les relations « cordiales » que nous pouvons avoir avec certains confrères médecins conseils, qui ne daignent pas décrocher leur téléphone pour nous faire part d’une décision aussi déterminante qu’inattendue. Bah pour quoi faire ? C’est bien connu, nous ne sommes bons qu’à délivrer des arrêts maladies injustifiés, c’est d’ailleurs ce qu’a dit ce gentil médecin conseil à ma gentille patiente qui s’est empressée de me le répéter.
Certains patients, trop habitués à ce que tout leur soit du, et qui se croient chez la boulangère. « Et vous me mettrez aussi du Dexeryl, et aussi du Doliprane, ah oui et aussi du shampoing… ». Et avec ceci ?
L’impuissance face à des situations psycho-sociales impossibles, avec l’impression de me débattre dans un verre d’eau.
Ma première menace de plainte, totalement injustifiée, mais qui provoque tout de même une drôle de petite boule au ventre.
Cette patiente, tout à l’heure, qui m’a reproché de vouloir m’en mettre plein les poches, alors que je venais de passer 45 minutes avec elle, et au passage, d’exploser mon planning (au grand dam de SuperSecrétaire1).
Certaines anecdotes seraient presque comiques si elles n’étaient pas révélatrices d’un malaise certain. Une patiente me dit avoir consulté à SOS médecins car son enfant avait mauvaise haleine. A ma question « Vous êtes vraiment allée à SOS médecins juste pour ce problème ? », elle a répondu avec un aplomb déroutant « Oui, pourquoi ? » No comment.
J’ai choisi mon métier, et je crois que je l’aime vraiment. De même, je ne conseillerais pas de rester remplaçant. S’installer est infiniment plus intéressant et gratifiant.
Mais il faut valoriser la médecine générale, au lieu de nous enfoncer toujours plus. Il faut aussi éduquer la population à grande échelle, afin d’en finir avec cette attitude toujours plus consumériste de soins. Actuellement, telles que les choses évoluent, je ne peux que partager le pessimisme global de tous mes confrères. J’ai l’impression de perdre toute mon énergie à essayer de me faire respecter, au lieu de faire de la bonne médecine. D’où, parfois, un sentiment d’inutilité et de grande fatigue.
Mon billet est un peu décousu, et finalement peu constructif. Ce n’est qu’un cri d’alarme supplémentaire, qui vient se rajouter à tous les autres.